Crayonné extérieur 20 minutes sur l’île de Groix / Morbihan
Groix est un trésor, ses 2360 habitants vivant à l’année n’hésitent pas à le partager généreusement. L’île est un lieu de vie et de convivialité. Pour qui la respecte, un lien authentique et durable pourra alors se tisser. Il faut savoir s’égarer un peu pour demander son chemin aux groisillons. Une aventure humaine peut alors commencer.Pour le visiteur qui vient accoster ses rives, la découverte de l’île de Groix est source d’une magie qui ne peut laisser indifférente. Trésor minéralogique né d’un caprice géologique d’une extrême rareté sur la planète, cette île de 1 500 hectares, riche de 17 villages offre une grande diversité de paysages littoraux, cultivés ou sauvages.Les façades colorées des maisons de l’île de Groix. La montée vers le bourg offre aux regards ses belles maisons d’armateurs, et le “Cinéma des Familles” aux façades décorées par des artisans italiens. Le matin, les halles offrent à notre gourmandise les produits insulaires de la terre comme de la mer. De nombreux commerces sont à découvrir en flânant dans les rues aux façades pimpantes. Ces dernières rayonnent autour de l’église dont le clocher s’orne du fameux thon, symbole de toute une époque où la pêche thonière a laissé des marques profondes. Le vélo est parfait pour découvrir les 40 km de chemins qui sillonnent l’île. En saison, des cars proposent des tours de l’île. On peut ainsi découvrir à son rythme les landes à bruyère vagabonde des littoraux de l’ouest de l’île (Piwisi) ou les plages blanches et rouges de grenats de l’est de l’île (Primiture). Mégalithes, fontaines et lavoirs donnent aux promeneurs cent occasions de découverte.Territoire fragile, l’île de Groix fait l’objet d’un plan de gestion qui cherche un équilibre entre les activités économiques, touristiques, agricoles, et la préservation de ses vastes espaces naturels remarquables.
Histoire :
Le Haut Moyen Âge
On divisait culturellement Groix en deux : à l’ouest Piwisy (prononcer « puisi »), à l’est Primiture (prononcer « prumtur »). Le parler y était du type bas vannetais « groisillon », avec des nuances sous-dialectales entre l’ouest et l’est (Cf. Grammaire d’Elmar Ternes). Mais l’île n’a jamais été divisée en deux paroisses et ne forme qu’une seule commune. Les services religieux étaient assurés par le clergé insulaire et par les moines bénédictins de l’abbaye Sainte-Croix de Quimperlé.
À l’époque des incursions des Vikings, les reliques de saint Gunthiern, de saint Guénolé et des saints Paulennan, Symphorien, Trénennan, Guédian, Guénael, Isunet autres saints ont été cachées à Groix. Elles furent redécouvertes vers 1069. Les incursions scandinaves laissent à Groix une tombe viking à barque incinérée dont le tumulus (17 mètres de diamètre) a été fouillé et détruit en 1906. Cette barque de 14 mètres de long contenait les ossements d’un chef, d’une personne de son entourage, d’un chien et d’oiseaux. Elle contenait aussi de nombreuses armes de tous types (épées, boucliers-pavois, hache, lance, flèches, couteau) et des jeux de société. Groix a appartenu au Kemenet-Héboé, machtiernat puis seigneurie centrée à Hennebont, qui passera ensuite à la famille de Rohan, jusqu’à la Révolution.
La tombe viking de Groix
La tombe viking de l’île de Groix (reconstitution)
Une fouille entreprise en 1906 par le préhistorien Paul du Châtellier et le commandant Louis le Pontois a permis la découverte d’une aire charbonnée d’une sépulture scandinave par incinération dans et avec une barque. Cette fouille a exigé huit journées de travail. Une partie de l’espace sur lequel avaient été étendus les restes du bûcher a été enlevé par la mer. Ce qui a été recueilli :
- des ossements humains ainsi que les ossements d’un chien et de quelques oiseaux ;
- les restes d’une barque caractérisée par des rivets spéciaux ;
- deux vases en bronze, une marmite en tôle de fer ;
- vingt et un umbos de boucliers ;
- deux épées à deux tranchants, une bouterolle de fourreau d’épée, deux haches, trois lances, huit flèches et un couteau ;
- une pierre à aiguiser, une enclume, un marteau, une tenaille, une mèche à cuiller, deux poinçons, deux outils à usage indéterminé ;
- une bague en or, des lambeaux du revêtement des fils d’une étoffe tissée d’or, deux agrafes, un bouton, une tresse, des petites perles en argent, un bouton en fer plaqué de bronze ;
- une têtière en bronze ;
- la garniture en fer, argent et bronze d’un collier de cheval ou d’une selle – une chaîne en fer – quelques autres objets à usage indéterminé.
Seuls quelques éléments sont visibles aujourd’hui à l’écomusée de Groix, quelques autres sont conservés au musée des antiquités nationales à Saint-Germain-en-Laye.
Époque moderne
Les ouvrages défensifs
Le fort Surville
Au xviie siècle, Groix a fait périodiquement l’objet de pillages et d’attaques de toutes sortes, principalement de la part des marines anglaises et hollandaises. Malgré la création de la ville de Lorient et de la Compagnie des Indes, il faut attendre 1744 pour qu’une première structure défensive soit construite sur l’île. Plusieurs autres suivront, jusqu’à l’occupation allemande au cours de la Seconde Guerre mondiale :
- Fort Surville (Pointe de la Croix) : construit en 1744, agrandi en 1846 ;
- Fort du Bas-grognon : construit en 1744, modifié en 1761, 1848 et 1893 ;
- Fort du Haut-grognon : construit de 1878 à 1881 ;
- Batterie du Gripp : construite en 1744, modifiée en 1847 ;
- Batterie de Nosterven : construite en 1744, modifiée en 1846 ;
- Redoute de la pointe des Chats : construite en 1757, modifiée en 1761 ;
- Batterie du Méné : construite entre 1901 et 1903 ;
Certaines constructions ont aujourd’hui disparu :
- Batterie du Spernec : construite au xviiie siècle ;
- Redoute de Porh-Costic : construite en 1761 ;
- Batterie de Goyave : construite en 1761 ;
- Redoute de Penennès : construite en 1761 ;
- Redoute de Porh-Polière : construite en 1761 ;
- Redoute de la Fontaine des Grands-Sables : construite en 1761.
Aux xviiie et xixe siècles, la portée des canons ne permet pas d’atteindre les bateaux navigant dans les Coureaux. Tout au plus permettent-ils de défendre les bateaux mouillant à l’abri de l’île.
Groix au début du XVIIe siècle
Selon un décret signé du roi Louis XIV le , « il est ordonné aux maîtres de bateaux de l’île de Grouais [Groix] et de la terre ferme voisine, qui passeront en cette île d’autres gens que ceux qui en sont, de les mener, au défaut d’officier commandant ou d’officier de l’amirauté, au sieur Uzel, curé de cette île, pour les examiner et lui rendre compte des affaires qui les font passer en cette île, à peine de désobéissance ». Le curé recevait une pension de 500 livres par an pour cette charge.
Groix en 1778
Jean-Baptiste Ogée décrit ainsi Groix en 1778 :
« Isle-de-Grouais [Groys] ou Saint-Tudy , à 11 lieues à l’ouest de Vannes, son évêché et son ressort ; à 31 lieues de Rennes et à deux lieues deux-tiers de Lorient, sa subdélégation. On y compte 2 000 communiants. Cette île renferme deux paroisses, dont les cures sont à l’ordinaire, un prieuré, plusieurs chapelles, et environ trente villages bien peuplés d’habitants. Elle a une lieue et demie de longueur et une lieue dans sa plus grande largeur ; elle contient environ 7 000 arpents de terrain, et relève de la principauté de Guémené. La pêche du congre se fait dans cette île sur des rochers qui l’environnent. On fait sécher ce poisson comme la morue. »
Révolution française
Les ouvrages défensifs ont joué un rôle mineur dans la bataille de Groix qui opposa le 23 juin 1795 les flottes française et britannique.
Le XIXe siècle
A. Marteville et P. Varin, continuateurs d’Ogée, décrivent ainsi Groix en 1843 :
« Île-de-Groys ou Groix (sous l’invocation de saint Tudy, premier abbé de Loctudy) : commune formée par l’ancienne paroisse de ce nom, aujourd’hui succursale. Principaux villages : Moustéro, Kervédan, Quelhuit, Kerlar, Kerlobras, Kerloret, Kerdurand, Kerlobihan, Quéhello, Kermario, Kerport-Lay, Créhal, Lomener, Locqueltas, Kermarec, Kerliet, Kerampoulo, Lemené, Kerrohet, Kervaillet. Superficie totale : 1 476 ha, dont (…) terres labourables 802 ha, prés et pâtures 7 ha, vergers et jardins 14 ha, landes et incultes 577 ha (…). Moulins : 7 (Pivisy, Clavesic, Michel, du Prince, du Stang, de Kergalouarn, de Kerrochet, à vent). 6 presses à sardines, entre autres à Port-Tudy, à Port-Lay, à Port Mélite. (…) L’île de Groix est séparée de la terre ferme par un bras de mer large de 10 à 13 000 mètres, et que l’on nomme le coureau de Groix. C’est là que l’on fait la pêche de sardine la plus abondante de toutes nos côtes. C’est là aussi que se fait solennellement chaque année, le jour de la Saint-Jean, la bénédiction de la pêche. Ce jour-là la population de Groix, clergé et bannière en tête, monte dans ses bateaux et gagne le milieu du coureau. De son côté, la population de terre ferme, partie du village de l’Armor avec le clergé de Ploemeur, arrive à force de rames. Les clergés se réunissent sur une seule barque ; les deux croix paroissiales s’inclinent alors l’une vers l’autre et s’embrassent. À ce signal les chants de marins éclatent à l’unisson et ne cessent que lorsque le recteur de Ploemeur se lève sur un des bancs de rameurs, et d’un geste paternel impose le silence à cette foule bruyante. Les prières remplacent les chants (…). Les barques retournent au port où de nombreuses libations viennent terminer cette journée et lui enlever son splendide et sublime caractère. Groix fait beaucoup de froment et en exporte sur la terre ferme [continent] ; en reour ses barques rapportent les bois dont l’île manque (…). On parle le breton. »
L’essor de la pêche et les principaux naufrages
L’invention des conserves de sardines à l’huile, au début du xixe siècle, favorise à Groix le développement de cette pêche saisonnière qui reste cependant aléatoire face à l’irrégularité des bancs. L’île bénéficiant d’une situation centrale par rapport à l’aire de dispersion des migrations du thon germon (thon blanc) dans le golfe de Gascogne, elle devient le premier port français d’armement au germon pendant 70 ans, entre 1870 et 1940. Les matelots groisillons augmentent progressivement le tonnage moyen de leurs chaloupes à voile pontées, appelées les « grésillonnes », afin de pratiquer cette pêche. Ces barques sont détrônées par le dundee thonier pratiquant la pêche à la traîne à l’aide de tangons, grandes perches de châtaignier qui supportent les lignes de pêche.
« Avant eux y régnait la chaloupe, une chaloupe plus grande que celle des sardiniers, plus voilée aussi, puisqu’elle portait, entre le taille-vent et la misaine, foc, flèche et tapecul. Leur grand mât exagérément penché sur l’arrière, leurs voiles carrées et leur galerie de bois à balustres, donnaient à ces chaloupes un air gauche et suranné. On les appelait, du nom de leur principal port d’attache, des grésillons (ou groizillons), et l’on prononçait, on prononce encore, grai, à la mode ancienne. En 1913, il en restait un à Groix »
En raison de l’absence des hommes partis pêcher, l’été, l’île n’était guère habitée que par des femmes et des enfants : « Ce sont elles qui font la moisson, qui tirent les pommes de terre, qui vont au moulin, qui soignent les chevaux et les vaches ; elles que vous croiserez, assises sur leurs petites charrettes, le long des sentiers qui vont d’un village à l’autre ».
Groix ne construisait pas de thoniers, ceux-ci l’étant à Belle-Île, aux Sables d’Olonne, à Concarneau, à Douarnenez ou à Camaret, parfois même à Binicou Paimpol.
La première usine de sardines de Groix ouvrit en 1864 à Port-Lay.
Sept chaloupes de Groix, montées en tout par 63 hommes, partis pêcher le thon, disparurent lors d’une tempête dans la nuit du 1er au .
Le le trois-mâts danois Coranna, venant de Bordeaux où il a chargé des poteaux de mine à destination de Cardiff, est drossé à la côte de Groix sur le rocher En Terrib, victime de la tempête ; les 15 hommes d’équipage furent sauvés par les Groisillons qui parvinrent à relier le navire à la côte par un filin et à établir un système de va-et-vient grâce à un gros câble ; peu après la fin du sauvetage le navire se brisa.
La tempête de mai 1896 provoqua la perte de 7 dundees et de 64 pêcheurs et celle du fit 21 victimes.
À la fin du xixe siècle l’île de Groix, qui a alors 5 000 habitants, compte 150 patrons pêcheurs et 1 500 matelots. Les trois cents dundees de l’île prennent alors à eux seuls plus de 80% des thons pêchés le long du littoral Atlantique français.
Le XXe siècle
Un lieu stratégique
Étant un lieu stratégique, Groix a depuis longtemps abrité un stock important de munitions notamment au lieu qui porte encore le nom de « Kermunition », lequel abritait en 1906 16 maisons où logeaient 21 ménages (89 personnes au total), et qui dans les années 2000 fait l’objet d’un nouveau projet de lotissement et de route.
À proximité de l’île de nombreux stocks de munitions ont été jetées en mer entre 1914 et les années 1970, dont on peut craindre qu’elles libèrent peu à peu leur contenu toxique (dont le mercure du fulminate de mercure des amorces.
Les fêtes maritimes de Groix
Le dimanche , Groix organisa sa première fête maritime, remplaçant le traditionnel pardon des Coureaux. « La procession fut imposante. Elle comprenait quatre groupes, autant qu’il y a d’églises dans l’île : celui du bourg, du Méné, de Locmaria et de Kelhuit ; plus de 1 200 pêcheurs ainsi répartis, sans parler des femmes, défilèrent en bel ordre, derrière leurs bannières vénérées, au bruit des cantiques locaux. Dans les bassins, tous les dundees, à l’exception de cinq réfractaires, avaient arboré le pavillon et la flamme ».
Le déclin de la pêche
Vers 1900, Groix comptait près de 300 dundees, armés par des équipages de six hommes ; en 1936, on comptait encore environ 200 dundees, qui disparurent progressivement, cédant la place aux gros chalutiers congélateurs.
En raison de la crise sardinière, les années allant de 1907 à 1913 furent très profitables par les thoniers de Groix : « on y surprend d’ailleurs les signes d’une aisance générale, soit dans les petits ports tapis au pied des falaises : Locmaria, Locqueltas, Krehal [Kerlar], Kermaria, Kerhello [Quéhello], Kerlo [Kerloret] et autres hameaux de marins (…). Sans doute y a-t-il là plus d’une masure sentant le moisi et la bouse de vache ( c’est le principal combustible de Groix) ; mais on y remarque aussi quantité de maisons confortables et avenantes ».
En août 1914, Groix armait 277 thoniers, ce qui représentait environ les trois-quarts de la flotte thonière française. Cette pêche y était pratiquée alors depuis environ 70 ans. Les dundees allaient chercher le thon à plus de 300 milles au large, dans le Golfe de Gascogne, ralliant les ports de la côte atlantique après 15 ou 20 jours en mer.
La Seconde Guerre mondiale
La Allemands construisirent sur l’île de nombreux ouvrages défensifs :
- Batterie Seydlitz : construite par l’armée allemande en 1944 ;
- Mur de l’Atlantique : au total 28 ouvrages bétonnés répartis sur 25 sites, construits par l’armée allemande.
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